Présence V
Presence V (La Retirada) – 150x120x180 – 2011
27 janvier 1939, les premiers réfugiés Espagnols arrivent en France par le Col d’Ares, à Prat De Mollo pour fuir la répression du Général Franco. En deux semaines ce sont 100 000 personnes qui passent la frontière par le Perthus, Cerbère etc… 450 000 Espagnols fuiront ainsi le régime fasciste et se retrouveront dans des camps de concentration sur le sol Français ( Argelès, Saint Cyprien, Le Bacarrès, Gurs etc…). Camps de concentration entourés de barbelés sous la surveillance des Tirailleurs Sénégalais et des Gardes Mobiles. Cet hiver 1939 est particulièrement rigoureux, le froid et la neige rendant cet exode encore plus terrible pour les populations démunies et passant la frontière à pied dans des colonnes interminables.
L’œuvre PRESENCE V, à la fois triptyque, sculpture et installation veut rendre hommage à ces enfants, à ces femmes, à ces hommes qui vécurent cette période tragique. Cet épisode de l’histoire, que je n’ai pas vécu, m’a pourtant profondément marqué et a aussi sans le vouloir façonné l’Homme que je suis devenu ; car il faut bien avoir conscience que le sud de la France particulièrement et sa culture ont été marqués en profondeur par cette arrivée de réfugiés, installés depuis lors, pour la plupart, définitivement. Leur intégration ayant eu une influence notable sur notre façon de vivre et de penser.
Dans ma jeunesse, l’image que j’avais de l’Espagne était des gens assis sur des chaises au milieu des rues des villages, profitant de la fraîcheur du soir. Stéréotype infantile mais non dépourvu de vérité. Il faut se rappeler qu’à cette époque les voitures étaient pratiquement inexistantes et que le pays vivait dans des conditions économiques précaires. La misère n’étant souvent pas absente. La chaise est donc un élément central de l’œuvre, symbole de paix, de vie, de famille ; Une part importante d’une culture de savoir vivre dans la simplicité. Les bandages blancs entourant cette chaise lui permettent de sortir de la banalité de l’objet utile pour lui conférer le statut de symbole. Une façon de transcender l’ordinaire. Chaise qui deviendra par la suite le symbole fantasmé de l’Espagne, le pays perdu.
Les couvertures rustiques rappellent évidemment la guerre, l’exode, seuls remparts parfois contre le froid, la pluie, derniers vestiges d’humanité.
Les chaussures, éléments de marche, de départ, d’exode sont traitées comme la chaise pour leur conférer, à elles aussi, un caractère symbolique et sacré. Les réfugiés furent en premier lieu parqués sur la plage d’Argelès-sur-Mer. La plage nous évoque les vacances, la mer, la baignade, le plaisir. Pourtant ici des milliers de gens s’entassent, sans abris, sans sanitaires, sans rien. En peu de temps ce lieu devient un dépotoir où les gens creusent des trous dans le sable pour faire leurs besoins, ce lavent dans la mer comme ils peuvent. L’hygiène est déplorable et les maladies apparaissent. De nombreuses personnes meurent. Le sable noir dégueulant des chaussures se veut être la symbolique et le témoignage de ce drame.
596 inscrit sur une couverture. Le 7 novembre 1659 fut signé le traité des Pyrénées et le 2 décembre 1856 le traité de Bayonne qui définit le tracé de la frontière entre l’Espagne et la France. 602 bornes et croix furent alors mises en place de l’atlantique à la méditerranée pour marquer cette frontière qui mesure 656,3 Km. La première, la borne N°1 se trouve au-dessus de la Bidassoa dans le pays Basque ; la dernière, la N°602 dans une grotte marine sur la commune de Cerbère. La borne N° 596 se trouve sous le Puig de Tervau dans la commune de Banyuls sur Mer. Pourquoi ai-je choisi la N°596 ? D’abord parce qu’elle se trouve sur la zone qu’ont parcourue les réfugiés, témoin passif de l’histoire ; ensuite parce que ce chiffre et la dynamique qu’il dégage résonnent en moi. Chose inexplicable à priori qu’il faut accepter comme tel. La croix au-dessus du chiffre, qui existe réellement gravée dans la roche, comme sur beaucoup d’autres d’ailleurs, renforce le caractère dramatique et sacré du symbole.
En temps de guerre ou de périodes tragiques comme celles qu’ont vécues les réfugiés, l’Homme est dépassé par les évènements qu’il subit, ne maîtrise plus rien et devient le jouet de l’histoire. Il redevient en quelque sorte un petit enfant dans un monde qu’il ne comprend plus. Voilà le pourquoi du petit poupon entouré de noir, enfermement physique et psychique ; trop petit, ayant perdu la tête dans le fracas du monde et la folie ; le bras tendu pour retrouver ce monde perdu que lui rappelle la chaise, souvenir d’un passé qui lui permet de survivre.
Cette œuvre, si elle fait référence à la Retirada, rend aussi hommage à tous les réfugiés et les exilés en ce monde, car s’il est un statut impossible à vivre et à supporter c’est bien celui-là. Quitter son environnement, son Pays, sa culture, sa langue est quelque chose de terrible pour tout Être Humain, ce que les dirigeants de ce monde, possédant un peu d’Humanité devraient d’intégrer dans leur politique future.
Je n’ai pas cherché dans ce texte, ni dans l’œuvre que j’ai créée à apporter un témoignage supplémentaire à l’Histoire, ce n’est pas mon rôle de peintre et de plasticien, je laisse cela aux spécialistes et aux historiens, mais à retranscrire l’émotion, le sentiment et la trace qu’a laissés en moi ce drame, toujours présent dans la mémoire malgré les années passées. Chacun y projettera ses propres émotions en fonction de son histoire et rendra ainsi à son tour hommage à ces hommes et ces femmes victimes de la folie et de la barbarie de leurs semblables.
Versión en español
Presencia V (La Retirada) – 150x120x180 – 2011
El 27 de enero de 1939, los primeros refugiados españoles llegan a Francia por el Col d’Ares, a Prat de Mollo, para huir de la represión del General Franco. Durante dos semanas 100 000 personas pasan la frontera en el Perthus, Cerbère etc… 450 000 españoles huirán de esta manera del régimen fascista y serán internados en los campos de concentración en el suelo francés (Argelès, Saint Cyprien, Le Bacarrès, Gurs etc…).Campos de concentración cercados de alambres de espino, vigilados por “tirailleurs sénégalais” (cuerpo militar que pertenecía a las tropas coloniales del imperio colonial francés, disuelto a principios de los años 1960) y “guardes mobiles” (guardias civiles). Ese invierno de 1939 es particularmente riguroso, el frío y la nieve vuelven el éxodo aún más terrible para las poblaciones desprovistas que pasan la frontera a pie en filas interminables.
La obra presencia V es a la vez un tríptico y una instalación que quiere rendir homenaje a esos niños, esas mujeres y esos hombres que vivieron ese trágico período. Ese episodio de la historia que no he vivido me ha impactado profundamente, y ha formado sin quererlo el hombre que me he vuelto; porque hay que ser consciente de que el sur de Francia particularmente y su cultura han sido marcados en lo más profundo por la llegada de refugiados instalados definitivamente desde entonces, por su mayoría.
En mi juventud, la imagen que tenía de España era la de gente sentada en sillas en el medio de las calles de los pueblos, disfrutando la frescura de la noche. Estereótipo infantil pero no desprovisto de verdad. Hay que recordar que en aquella época los coches casi no existían y que el país vivía en condiciones económicas precarias. La miseria a menudo no era ausente. La silla es pues el elemento central de la obra, símbolo de paz, de vida, de familia; una parte importante de una cultura, de un saber vivir en la sencillez. Los vendajes blancos que envuelven la silla le permiten salir de la banalidad del objeto útil para otorgarle el estatuto de símbolo. Silla que se volverá después el símbolo fantaseado de España, La tierra perdida.
Las mantas, claro, recuerdan la guerra, última muralla contra el frío, la lluvia, últimos vestigios de humanidad.
Los zapatos, elementos de marcha, de éxodo, son tratados como la silla para darles, a ellos también, un carácter simbólico y sagrado. Los refugiados fueron acorralados primero en la playa de Argelès-sur-Mer. La playa evoca las vacaciones, el mar, el baño, el placer. Sin embargo allí se amontonan miles de personas, sin refugio, sin sanitarios, sin nada. En poco tiempo ese lugar se transforma en basurero donde la gente cava hoyos en la arena para hacer sus necesidades. Se lava en el mar como puede. La higiene es deplorable y aparecen las enfermedades. muchas personas mueren. La arena negra que vomitan los zapatos quiere ser el símbolo y el testimonio de ese drama.
596 escrito en una manta: El 7 de noviembre de 1659 fue firmado el tratado de los Pirineos y el 2 de diciembre de 1856 el tratado de Bayonne que define el trazado de la frontera entre España y Francia. 602 postes y una cruz fueron entonces colocados entre el Atlántico y el Mediterráneo para marcar esta frontera que mide 656,3 km. El poste número 1 se encuentra en lo alto de Bidassoa en el País Vasco; el último, el número 602 en una gruta marina en el municipio de Cerbère. El poste número 596 se encuentra bajo el Puig de Tervau en el municipio de Banyuls-sur-mer. Por eso he escogido el número 596, primero porque se encuentra en la zona recorrida por los refugiados, testigo pasivo de la historia, y también porque esta cifra y la dinámica que despide tiene eco en mí. Cosa inexplicable a primera vista que hay que aceptar así. La cruz encima de la cifra, que existe realmente grabada en la roca, como en muchos otros además, intensifica el carácter dramático y sagrado del símbolo.
En tiempos de guerra o de períodos trágicos como los que han vivido los refugiados, el hombre es sumergido por los acontecimientos que padece. Ya no domina nada y se hace el juguete de la historia. Vuelve a ser un niño en un mundo que ya no entiende. Este es el porqué del muñeco cercado de negro, encierro físico y síquico; demasiado pequeño, pierde la cabeza en el estrépito del mundo y la locura; el brazo tendido para volver a alcanzar el mundo perdido que le recuerda la silla, recuerdo de un pasado que le permite sobrevivir.
Esta obra, si hace referencia a la Retirada, también rinde homenaje a todos los refugiados y desterrados en este mundo, si existe un estatuto imposible de vivir, es seguramente éste. Abandonar su entorno, su país, su cultura, su idioma es algo terrible para cada ser humano, es lo que tendrían que integrar en su política futura los que dirijan este mundo, si tienen un poco de humanidad.
En este texto y en esta obra que he creado, no he querido aportar un testimonio suplementario a la historia, no es el papel del pintor ni del plástico, lo dejo para los especialistas y los historiadores, sino que he querido volver a transcribir la emoción, el sentimiento y la huella que ha dejado ese drama en mí, todavía presente en la memoria a pesar de los años que han pasado. Cada uno podrá proyectar sus propias emociones con arreglo a su historia y a su vuelta rendirá homenaje a esos hombres y esas mujeres víctimas de la locura y la barbarie de sus semejantes.
Versió en català
El 27 de gener de 1939, els primers refugiats espanyols arriben a França per el Coll d’Ares, a Prat de Molló, per a fugir de la repressió del General Franco. Durant dues setmanes, 100 000 persones passen la frontera pel Perthus, Cerbère etc… 450 000 espanyols fugiran d’aquesta manera del règim feixista i seran internats en els camps de concentració en sòl francès (Argelès, Saint Cyprien, Le Bacarrès, Gurs etc…). Camps de concentració voltats de filferros d’arç, vigilats per “tirailleurs sénégalais” (cos militar que pertanyia a les tropes colonials de l’imperi colonial francès, dissolt a principis dels anys 1960) i “guardis mobiles” (guàrdies civils). Aquest hivern de 1939 és particularment rigorós, el fred i la neu tornen l’èxode encara més terrible per a les poblacions desproveïdes, que creuen a peu la frontera en fileres interminables.
L’obra presencia V és alhora un tríptic i una instal·lació que vol retre homenatge a aquests nens i nenes, a aquestes dones i a aquests homes que van viure aquest tràgic període. Aquest episodi de la història que no he viscut m’ha impactat profundament, i ha format sense voler-lo l’home que m’he tornat; perquè cal ser conscient que el sud de França particularment i la seva cultura han estat marcats profundament per l’arribada de refugiats que majoritàriament es van instal·lar de forma definitiva.
En la meva joventut, la imatge que tenia d’Espanya era la de gent asseguda en cadires en el mitjà dels carrers dels pobles, gaudint la frescor de la nit. Estereotip infantil, però no desproveït de veritat . Cal recordar que en aquella època els cotxes gairebé no existien i que el país vivia en condicions econòmiques precàries. La misèria sovint no era absent. La cadira és doncs l’element central de l’obra, símbol de pau, de vida, de família; una part important d’una cultura, d’un saber viure en la senzillesa. Els embenatges blancs que emboliquen la cadira li permeten sortir de la banalitat de l’objecte útil per a atorgar-li l’estatut de símbol. Cadira que es tornarà després el símbol fantasiat d’Espanya, La terra perduda.
Les mantes, clar, recorden la guerra, última muralla contra el fred, la pluja, últims vestigis d’humanitat.
Les sabates, elements de marxa, d’èxode, són tractats com la cadira per a donar-los, a ells també, un caràcter simbòlic i sagrat. Els refugiats van ser acorralats primer a la platja de Argelès-sur- Mer. La platja evoca les vacances, la mar, el bany, el plaer. No obstant això allí s’amunteguen milers de persones, sense refugi, sense sanitaris, sense res. En poc temps aquest lloc es transforma en escombriaires on la gent cava clots en la sorra per a fer les seves necessitats. Es renta en la mar com pot. La higiene és deplorable i apareixen les malalties. moltes persones moren. La sorra negra que vomiten les sabates vol ser el símbol i el testimoniatge d’aquest drama.
596 escrit en una manta: El 7 de novembre de 1659 va ser signat el tractat dels Pirineus i el 2 de desembre de 1856 el tractat de Bayonne que defineix el traçat de la frontera entre Espanya i França.
602 pals i una creu van ser llavors col·locats entre l’Atlàntic i el Mediterrani per a marcar aquesta frontera que mesura 656,3 km. El pal número 1 es troba a la part alta de Bidassoa al País Basc; l’últim, el número 602 en una gruta marina en el municipi de Cerbère. El pal número 596 es troba baix el Puig de Tervau en el municipi de Banyuls-sud-mer. Per això he triat el número 596, primer perquè es troba en la zona recorreguda pels refugiats, testimoni passiu de la història, i també perquè aquesta xifra i la dinàmica que acomiada té ressò en mi. Cosa inexplicable a primera vista que cal acceptar així. La creu damunt de la xifra, que existeix realment gravada en la roca, com en molts altres a més, intensifica el caràcter dramàtic i sagrat del símbol.
En temps de guerra o de períodes tràgics com els que han viscut els refugiats, l’home és submergit pels esdeveniments que pateix. Ja no domina res i es fa la joguina de la història.
Torna a ser un nen en un món que ja no entén. Aquest és el perquè del ninot envoltat de negre, tancament físic i psíquic; massa petit, perd el cap en l’estrèpit del món i la bogeria; el braç tendit per a tornar a aconseguir el món perdut que li recorda la cadira, record d’un passat que li permet sobreviure.
Aquesta obra, si bé fa referència a la Retirada, també ret homenatge a tots els refugiats i bandejats en aquest món, si existeix un estatut impossible de viure, és segurament aquest. Abandonar el seu entorn, el seu país, la seva cultura, el seu idioma és una cosa terrible per a cada ésser humà, és el que haurien d’integrar en la seva política futura els que dirigeixin aquest món, si tenen una mica d’humanitat.
En aquest text i en aquesta obra que he creat, no he volgut aportar un testimoniatge suplementari a la història, no és el paper del pintor ni del plàstic, el deixo per als especialistes i els historiadors, sinó que he volgut tornar a transcriure l’emoció, el sentiment i la petjada que ha deixat aquest drama en mi, encara present en la memòria malgrat els anys que han passat. Cadascú podrà projectar les seves pròpies emocions en relació a la seva història i a la vegada retrà homenatge a aquests homes i aquestes dones víctimes de la bogeria i la barbàrie dels seus semblants.
Daniel Despothuis