Octobre / Novembre 2000
Au milieu des éternelles querelles concernant la place de la peinture dans l’Art Contemporain, certains considérant qu’ elle est condamnée, il est des hommes, qui, imperturbablement poursuivent leur travail d’artiste et de peintre en particulier. Cela ne veut pas dire que la problématique annoncée ne les intéresse pas ; que les débats sur l’Art et les réflexions inhérentes leurs sont étrangères ; cela implique qu’au delà de toute polémique et discussions souvent stériles, ils continuent à travailler, au cœur de leur œuvre, dans le silence et la solitude de l’atelier. Il ne s’agit plus de savoir si le sujet doit être figuratif ou abstrait, représentatif ou subjectif, mais si l’œuvre proposée découle d’une démarche profonde, lente ; d’un cheminement et d’une réflexion s’inscrivant à la fois dans l’histoire de l’Art et dans la modernité ; d’une œuvre qui touche le fondement de l’Etre dans la sphère du sacré, où l’émotion et l’énergie qui s’en dégage pénètre le spectateur et invite au dialogue.
« L’Homme accomplit des gestes inédits, comme pour témoigner de son propre mystère ».
Pour tout cela il faut du temps, de la lenteur, tant dans le processus créatif que dans l’approche de l’œuvre. L’immédiateté n’est pas dans ce domaine et c’est ce qui dérange dans ce monde de vitesse et de consommation d’urgence. La peinture au contraire oblige à prendre du recul pour se retrouver face a soi même et faire une pause dans ce monde de folie. Si d’autres formes d’Art collent davantage à la dynamique stressante du réel, (vidéos, installations, interventions, etc, etc…) au risque de n’être souvent qu’un étalage sociologique déprimant et sans intérêt, il ne s’agit nullement d’établir une compétition ou une concurrence entre ces différentes formes d’expressions ; d’autant que certains acteurs opérant dans ce domaine sont dignes du plus grand intérêt et offrent des éléments de réflexions allant au delà de la triste démonstration et du banal étalage. Il est dommage par ailleurs d’établir de telles différences dans les procédés, en essayant même de les confrontés, alors que seul importe la qualité de l’œuvre proposée et l’intérêt du discours qui s’y rattache ; des formes d’expressions différentes pouvant être par ailleurs complémentaires et interactives.
Si comme le dit Olivier CENA, « il faut une bonne dose de courage pour peindre et sculpter en évitant le chant des sirènes », il est des hommes qui tracent leur route, continuent leur cheminement spirituel, nourris de philosophie et de psychanalyse pour comprendre le sens de l’Être, son parcours des origines à aujourd’hui, sa place dans le monde, ses rapports psychologiques avec les autres….
Vous l’aurez compris, je fais partie de ces hommes qui oeuvrent pour établir un dialogue avec ses congénères dans la plénitude de leur conscience. Sans que le discours prenne le pas sur l’émotion qui s’en dégage, j’offre au spectateur la possibilité de « ce laissé aller », de se fondre dans l’espace du tableau, afin de découvrir l’essentiel de notre existence. Nous retrouvons d’ailleurs cette notion d’espace dans la musique d’aujourd’hui chez des compositeurs tels que Ligeti, Scelci, Takemitsu ou Feldman, et ce n’est pas un hasard si ce dernier était ami avec Rothko.
Oublions les peurs qu’engendre l’inconnu, apprenons« ces gestes d’abandons » et profitons de ces instants de méditation ; c’est alors que tout est possible et que des résonances insoupçonnées s’offrent à nous. Pour le reste, pour les discours il est toujours temps.
La conceptualisation de l’œuvre réduit celle-ci à l’état d’objet qui suppose un discours pour justifier son existence, alors que la transcendance suscite le rapport universel et une communication riche d’humanité. Il m’est souvent arrivé de refuser d’utiliser certains matériaux, certaines techniques ou certains effets, ne les trouvant pas assez significatifs ou trop simplistes pour participer à cette transcendance ; ceci ne servant tout au plus qu’à un surplus anecdotique ou à une facilité de faiseur.
C’est avec surprise que j’ai retrouvé, dans certaines expositions, ce que je refusais, ce qui m’a conforté dans mes choix tant le résultat manquait de vie intérieure, d’énergie et ne produisait tout au plus qu’un effet décoratif. Il serait prétentieux de ma part, prétendre tout réussir, mais quoique l’on fasse, il faut toujours le faire avec conviction et s’investir totalement. L’acte de créer implique une sincérité absolu même si parfois le résultat déçoit les attentes. L’accès à la transcendance est parfois long, douloureux et le mystère est source de vérité.
Évitons les leçons pour partager des instants de réflexions, de bonheurs et d’émotions.
Il me faut, pour conclure, parler du symbole, du monogramme qui me sert de signature ; En effet, il arrive très souvent que l’on s’interroge à son sujet et que l’on me demande sa signification. Possédant un nom relativement long et difficile à intégrer dans un tableau, je voulais depuis très longtemps trouver un signe, un symbole qui pourrait me représenter et participer par là-même au sens de l’œuvre. J’avais, vers 1992 exécuter un tableau où apparaissait une suite, « AZ Fin », ayant pour sens : A pour le début, le commencement d’un parcours, et Z pour la fin. Cela, évidemment, symbolisait la naissance, la vie et la mort de l’individu, avec tout ce que cela comporte de recherche spirituelle et approche métaphysique. J’ai repris ce thème « AXZ » (X étant l’inconnu) en 1994 dans une autre œuvre, mais en y ajoutant une forme d’ouverture X après le A de la naissance. C’est à partir de là que m’est venue l’idée d’utiliser ce symbole comme monogramme. Il faut donc le comprendre comme suit : A, donc la naissance, et X qui se comporte comme une parabole de télécommunication capable de recevoir ou d’émettre des informations tout au long de son parcours, X sous entendu ; parcours de vie, parcours initiatique, parcours d’Être. Voilà le sens de ce qui n’est plus un mystère !